Février 2023, beau mois d’anniversaire, tire sa révérence.

Il y a 15 ans, je recevais mes tout premiers patients-clients.
À l’occasion de cet écrit, je l’avoue – et cette réflexion parcourait déjà mon mémoire de fin de formation – je ne suis jamais parvenue à faire mien ces termes qui rendent peu hommage à la beauté de la démarche thérapeutique.
L’étymologie nous en apprend des choses : le « patient » souffre et endure, le « client » obéit, placé sous la protection d’un praticien, d’un « patron » … Je comprends pourquoi ces mots n’ont pas trouvé en moi d’écho harmonique. Oui, on trouve ici et là un fond de vérité, mais je préfère à ces dénominations entendues celle de « pèlerin », l’expatrié, l’exilé. « Parlant d’un étranger, celui qui voyage vers un endroit tenu pour sacré. » Irrémédiablement connoté, n’est-ce pas ? C’est dommage. Qu’il est beau, ce pèlerin, lui qui ne sait pas où ses pas vont le mener. Même las et fatigué, même ignorant sa carte du monde, il sait intimement qu’il trouvera la confiance d’embrasser le chemin et ses surprises. Jeté dans l’aventure, il sera porté.
« Sacré » parle pour moi de respect, de profondeur, de haute valeur, d’inspiration, de plus grand, d’insuffler la lumière dans les ombres, un souffle dans les espaces comprimés, une respiration. Éveiller le vivant. Je redessine un chouïa le contour des mots. Le pèlerin, celui qui chemine et part en exploration de terres inconnues, étranger à lui-même, en quête de sens et de repères. Un chercheur de conscience et de liberté, chercheur de sa vérité. Voilà.
J’ai commencé l’année 2005, animée d’un enthousiasme impatient et pétrie d’inquiétudes. Il me fallait me rendre à l’expérience, m’y donner toute entière. J’ai créé en premier lieu ma carte de visite. C’est fortement symbolique, une carte de visite, surtout celle-ci ! Redéfinition de mon identité à l’occasion de ce passage. Fébrile de vivre enfin les rencontres tant attendues, j’ai réorganisé mon petit appartement parisien et j’ai choisi d’œuvrer quelque temps pour une association. Ce n’est jamais facile, les initiations… « Initiation », s’initier aux mystères, créer de nouveaux commencements. Exister demande d’avancer sans clarté sur la direction, de nous réinventer pour franchir les obstacles, d’affronter les dragons. Ces dragons-là étaient terrifiants, immenses, et j’ai souvent eu envie d’abandonner, tant la responsabilité d’accompagner d’autres humains me semblait écrasante, vertigineuse.
« Thérapeute : celui qui prend soin, qui sert Dieu », nous dit l’étymologie. Vaste horizon de se savoir au service. En tant que thérapeute, je suis responsable du cadre : préserver la confidentialité, faire sécurité pour l’autre, me rendre disponible à un accueil bienveillant, être attentive à écouter les mots et au-delà d’eux, prendre soin. Cet autre, pèlerin qui va vers lui-même, est responsable de s’engager, de ce qu’il prend ou non de mes propositions, de se laisser guider dans la danse-découverte, d’accepter l’inconfort de se découvrir lui-même, de raffermir sa bonne volonté et son audace pour oser explorer les paysages en friches, ces fameuses terres inconnues qui lèveront le voile sur d’autres perspectives.
Entre 2005 et 2023, près de 230 personnes sont venues se re-connaître à travers le miroir que je représente, penser leurs plaies, s’autoriser à ouvrir leurs ailes. Pour des temps courts, des temps longs. Des ouvertures faciles, des frictions frictionnantes, de tes limites rencontrant les miennes pour mieux les dépasser. Diffuser l’amour à travers les formes singulières, voilà l’intention qui m’anime au quotidien.
C’est une fonction privilégiée d’accueillir la richesse, les douleurs, les drames, les histoires que l’on cherche à garder actives même quand elles nous continuent à froisser notre âme, de nourrir la tendresse et la compassion, de recevoir l’autre, faire acte d’hospitalité, d’observer son monde, ce monde à part entière, de créer avec lui des traits d’union, des passerelles ou quelquefois de simples apostrophes. Et c’est déjà beaucoup, une apostrophe. Être touchée des liens humains, de ce qu’ils permettent, du cadeau multi-couleurs qui prenant forme vient modifier mes interprétations, mon être-au-monde et offrir à ma réalité intérieure d’autres voies possibles. J’aime à dire aujourd’hui que je suis une jardinière d’éclosions. Des vôtres, bien sûr, et des miennes tout autant, et à bien y regarder, tout cela se répond de façon magique. Nous pouvons compter sur la précision de l’agencement divin.
Au fil des années et des connexions, s’est développée une pratique clairvoyante. Ma clairsensitivité n’a cessé de grandir et d’ouvrir des voies plus directes dans ma compréhension du jeu de la vie, de la psyché, des rouages humains, faisant de moi une gestalt-thérapeute connectée, qui écoute de tous ses sens, les êtres, le visible et l’invisible, le vivant qui s’exprime et se révèle pour accoucher de l’Être au cœur de l’Humain.
À jamais je suis pèlerine des formes et des profondeurs, je continue donc le voyage, si Dieu me prête vie, pour une quinzaine supplémentaire qui sera, elle aussi, faite d’aventures, d’expansion, de découvertes et d’amour grand pour lier le tout.
Vous me suivez ? Vivre nous attend !