Hier matin, une amie a partagé sur un réseau social la citation de Jung, ci-dessous. Celle-ci m’a instantanément inspiré les pensées que je vous livre ici.
« La thérapie ne commence qu’à partir du moment où le malade se rend compte que ce ne sont pas son père et sa mère qui lui barrent la route, mais que c’est lui-même, c’est-à-dire une partie inconsciente de sa personnalité, qui prolonge et perpétue le rôle du père et de la mère. » Psychologie de l’inconscient, Carl Jung
17 mars 2020 : un rétrécissement brutal, une suspension, un arrêt.
Le silence dans la ville, nos quotidiens agités stoppés net. Nous avons retenu nos souffles et parfois manqué d’air.
Car ce n’est pas rien de se confiner : l’expérience a été déstabilisante, inquiétante, inédite, radicale.
11 mai 2020 : une fenêtre qui s’ouvre, l’oxygène qui se rappelle doucement à nos poumons étriqués. Retrouver la vie d’avant, penser la vie d’après ? Sortir de nos bulles. Pour certains, elles ont été nourrissantes et douces. Pour d’autres, elles ont été éprouvantes et douloureuses.
Ce n’est pas rien non plus de se déconfiner… À ce temps de pause introspective, plus ou moins bien vécue et qui reconfigure nos réalités collectives et nos contours individuels, s’ajoute désormais la peur de l’autre, la peur de la contamination, la peur du rejet. Ce contexte singulier nous met face à de nombreux éléments que nous ne pouvons contrôler. Il faut bien vivre pourtant et se jeter à nouveau dans le mouvement animé de nos existences… avec l’idée désormais claire que la vie est incontrôlable.
Il y avait longtemps que je n’avais pas publié un article et c’est la lecture du dernier ouvrage du Dr Christophe Fauré*, « S’aimer enfin ! » qui m’a inspirée, me ramenant aux réflexions que je partage souvent avec mes patients.
Un très bel ouvrage que je recommande !
Un métier passionnant, des livres et un cabinet qui marchent bien, une vie de couple équilibrée… Tout va bien, pourquoi chercher autre chose, pourquoi se plaindre ? Ces pensées « rabat-joie », si on leur laisse le pouvoir, peuvent empêcher tout nouveau frémissement, tout appel au renouvellement de soi, à la nouveauté.
La vie de Christophe Fauré coche toutes les cases, mais il s’épuise, absent à lui-même… Un appel puissant pour autre chose, un sourd besoin de « re-spir-er », de « retrouver cet autre » sentier vers soi-même, pour se recentrer, pour reprendre vie. »
J’imagine que vous aussi, vous vivez des moments où vous voudriez tout plaquer, retrouver vos rêves d’enfant, votre petit grain de folie, votre air…
Ça manque de « Je », ça manque de « Soi ».
Vous sentez bien que quelque chose ne colle pas, ne s’adapte plus. Vous n’entendez plus le mal-être qui hurle en vous, l’épuisement, l’essence de ce que vous êtes a disparu, noyée dans les obligations que vous vous imposez, et vos contours singuliers se sont dissous dans la gestion de la vie.
Il faut éduquer les enfants, gérer le quotidien, répondre aux exigences nombreuses et oppressantes de la vie sociale et professionnelle et bien sûr, continuer à avoir du désir pour sa moitié… Et vous, dans tout ça ? Où êtes-vous ?
Remettre du « Je »… retrouver de l’espace pour prendre soin de vous.
Il ne s’agit pas de ne plus prendre en compte les autres, votre environnement personnel, ceux que vous aimez, mais de vous refaire une place dans cette balance existentielle, souvent en tension. Vous avez droit à autant d’attention que celle que vous accordez aux autres. Faites une pause, offrez-vous une parenthèse, faites-vous le cadeau de vous entendre enfin !
Remettre du « Soi »… redonner du sens à ce que vous faites, à vos choix, cultiver l’émerveillement, vous sentir vibrer à nouveau, nourrir votre âme d’enfant, votre créativité, votre besoin de joie et de légèreté, vous reposer, nourrir votre besoin de beauté et de spiritualité… A quand remonte la dernière fois où vous vous êtes accordé de l’importance ? Faites-vous le cadeau de vous aimer enfin !
« Chacun d’entre nous aspire à donner du sens à sa vie. Pour retrouver l’essentiel. Pour être heureux, tout simplement. Un jour, Christophe Fauré a tout quitté pour se trouver. Il était psychiatre, il est devenu moine bouddhiste… avant de redevenir psychiatre, avec un autre regard, une autre vision sur sa vie et sur ce qu’il souhaitait en faire. Fort de cette expérience qui l’a fait renaître au monde et à lui-même, il nous livre les enseignements de son cheminement, en partageant de grandes questions existentielles : comment être en harmonie avec nous-même ? Installer le spirituel au coeur de notre quotidien ? Dans ce récit initiatique, Christophe Fauré évoque en filigrane sa dépression d’enfant, ses tourments face à la maladie et à la mort, ainsi que les voies qui l’ont guidé vers l’apaisement. Il nous invite à un puissant voyage intérieur et à une authentique rencontre avec nous-mêmes, afin de nous accepter tels que nous sommes et vivre pleinement notre existence. »
Extraits : « Qui n’a pas eu un jour envie de changer de vie ? Qui n’a jamais ressenti ce mal-être du dimanche soir, avec cette impression de vivre à côté de sa vie ? Le désir d’une existence qui aurait plus de sens, plus de profondeur, plus de vérité ? Qui n’a jamais éprouvé ce manque indéfinissable au coeur du quotidien ? Un « quelque chose » qui ferait toute la différence entre une vie menée en pilotage automatique et une existence dont on pourrait être légitimement fier et heureux car elle reflète les aspects les plus beaux de notre être ? »
« (…) il y a en nous une Lumière qui s’ignore, une paix qui nous attend. Elle nous tire à sa rencontre. Une dimension essentielle de nous-mêmes qui se languit d’elle-même et crève de ne pas exister au grand jour. C’est juste là, dans le creux de notre main, aussi proche de nous que les traits de notre visage. La spiritualité ne serait-elle pas une clef à cette question fondamentale que chacun d’entre nous se pose ? »
« Toute situation, la plus heureuse comme la plus malheureuse, recèle un enseignement. Quelque chose qui nous est donné à comprendre pour nous aider à avancer. Tout l’enjeu pour nous est de le voir. »
« S’engager, faire le cadeau de qui on est. Passer le reste de sa vie à baigner d’amour celle des autres. »
*Christophe Fauré est psychiatre et psychothérapeute, spécialisé dans l’accompagnement des ruptures de vie : deuil, maladie grave et fin de vie, séparation…
Avec son nouvel ouvrage, « Sauvez votre peau ! Devenez narcissique », Fabrice Midal tord le cou à une idée reçue et ose dire : « Soyez narcissique, ça fait du bien ! »
Lors de mes séances en gestalt-thérapie, je m’entends souvent dire aux personnes que j’accompagne qu’être égoïste n’est pas nécessairement un vilain défaut, une tare dont il faudrait se défaire pour gagner enfin sa place au paradis… La bienséance et notre culture judéo-chrétienne nous susurrent doucement à l’oreille qu’il est de bon ton de se sacrifier pour les autres, et qu’importe qu’on y laisse toutes ses plumes !
Être égoïste, c’est aussi et souvent une étape nécessaire pour retrouver l’équilibre et faire grandir l’estime de soi, c’est décider de se faire une place, décider de se donner à soi-même de l’importance, l’importance juste, celle que l’on donne de préférence et de façon plus naturelle aux autres.
Être narcissique, selon Fabrice Midal, c’est respecter la personne que je suis, sa singularité. Si je prends conscience de la manière dont je me traite, dont je me maltraite souvent, je ne pourrai plus accepter d’être maltraité par les autres, je vais y voir clair sur les situations qui me malmènent et savoir dire non quand ça ne me convient pas. Ce changement de perspective amène à vivre des relations plus saines, et donc plus apaisées. Je peux être ouvert aux autres sans les instrumentaliser et sans me contorsionner pour être quelqu’un que je ne suis pas, puisque je m’autorise à exprimer simplement ce que je suis.
Il ne s’agit pas de devenir le centre du monde et de regarder son beau nombril avec vanité et complaisance… Non, juste faire preuve de patience, se reconnaître, respecter ses besoins et limites, parfois se rencontrer pour la première fois, dans sa vérité pleine et entière. J’encourage mes patients à développer ce regard de compréhension bienveillante vis-à-vis d’eux-mêmes, car cet égoïsme-là est un égoïsme sain.
Si je me respecte et prends en compte mes limites, je vais devenir de plus en plus conscient de mes agissements et de ce qui les motive, je vais devenir de plus en plus responsable aussi de ce que j’offre au monde et aux autres.
En apprenant à m’écouter, j’apprends à écouter vraiment l’autre. Une écoute moins intéressée, pourrait-on dire : pas à partir de mes manques et de mon besoin de reconnaissance ou de mes blessures et de mon besoin de réparation, ou encore du vide que je ressens et que j’aimerais que tu combles !
Si je te donne, à toi, pour éprouver le sentiment de ma propre existence, je t’investis d’une mission bien périlleuse : celle de définir mes contours et de me faire exister. Ce faisant, je t’investis du pouvoir de me donner vie… Cette lourde charge va générer tôt ou tard des violences au sein de la relation et mettre l’autre en situation de toute-puissance, engageant ainsi sa responsabilité de façon inadaptée.
« Les Danaïdes », John William Waterhouse – 1903
Cette recherche de soi tournée vers l’extérieur ne trouve jamais de repos : la reconnaissance que l’on reçoit, issue de cette dynamique trouble – pour peu qu’elle arrive – tombera dans le vide, le vide que l’on a de soi-même.
Si je ne m’aime pas, si je passe mon temps à me dénigrer, à me juger, à me condamner, comment pourrais-je savoir ce qui est bon pour moi, où et quand s’arrêtent mes frontières ? Où et quand j’ai le droit de dire non ? Ce dénigrement permanent de soi fait le nid des maltraitances et manipulations.
La référence aux Danaïdes, figure de la mythologie grecque, condamnées à remplir sans fin un tonneau troué, prend ici tout son sens… Pour me sentir vivant, légitime et aimable, il me faudra acquérir toujours plus : de biens matériels, de compliments, de preuves d’amour, il me faudra me placer toujours plus haut sur l’échelle sociale, obtenir plus de pouvoir, de connaissance… une quête sans fin qui ne sera jamais rassasiée, tant que je ne me serai pas rencontré avec bienveillance, et c’est là tout le message de Fabrice Midal.
Se foutre la paix, comme l’a écrit Fabrice Midal*, c’est aussi accepter que nous ne pourrons pas tout faire.
Se libérer de la pression du temps, arrêter de courir après l’expérience suivante, celle que je n’ai pas encore vécue, celle-ci justement qui manque à mon tableau de chasse et sans laquelle je me raconte que je ne suis pas encore tout à fait complet, pas suffisamment accompli…
Renoncer à vouloir faire à tout prix, au prix de ma paix souvent, à vouloir acquérir plus, à vouloir être ceci ou cela… renoncer et sourire en regardant combien je plie sous le poids des exigences qui m’enserrent.
Est-ce vraiment aussi grave que je l’imagine ? Et si j’acceptais de ne pas tout voir, de ne pas tout vivre, de lâcher la volonté et le contrôle ?
Je pourrais tout aussi bien décider aujourd’hui, à l’instant même, de me regarder avec bienveillance et de sourire de mes tensions, simplement respirer et goûter enfin la vie qui m’anime, admirer sa beauté, sa simplicité, son incroyable intelligence. Elle, n’a aucunement besoin que je sois au contrôle…
Et vous, que décidez-vous pour aujourd’hui ? Rester sous pression etne rien lâcher ou… danser avec la vie ?
« Tant qu’on ne s’est pas fermement engagé, il y a l’hésitation, la possibilité de recul ; toujours l’inefficacité.
Dans toutes les démarches d’initiative (et de création) gît une vérité élémentaire, dont la méconnaissance tue dans l’œuf d’innombrables idées et de superbes projets : au moment où l’on s’engage pour de bon, la providence se met en marche de son côté.
Il se produit toutes sortes de choses favorables qui, sans cela, ne seraient pas arrivées. Une kyrielle d’événements découlent de cette décision, qui suscitent en votre faveur toutes sortes d’incidents, rencontres et aides matérielles intempestifs dont nul n’aurait rêvé bénéficier.
J’ai appris à apprécier avec un profond respect un des vers de Goethe* :
« Quoi que vous puissiez faire ou que vous rêviez de faire, faites-le. L’audace a du génie, de la puissance et de la magie. »
« …Until one is committed, there is hesitancy, the chance to draw back, always ineffectiveness.
Concerning all acts of initiative (and creation), there is one elementary truth the ignorance of which kills countless ideas and splendid plans : that the moment one definitely commits oneself, then providence moves too.
A whole stream of events issues from the decision, raising in one’s favor all manner of unforeseen incidents, meetings and material assistance, which no man could have dreamt would have come his way.
I learned a deep respect for one Goethe’s couplets :
Whatever you can do or dream you can, begin it. Boldness has genius, power and magic in it ! »
Se sentir exister pleinement passe par bousculer nos repères, nous confronter à la nouveauté et grandir de nos apprentissages.
Pour retrouver l’estime de soi, se sentir satisfait, on ne peut faire l’économie d’aller se frotter à des situations qui nous mettent en déséquilibre et nous font parfois peur.
Derrière la peur, il y a la joie de se découvrir capable, le constat que nous sommes plus grand, plus créatif, plus audacieux que ce que nos croyances et limites nous font imaginer bien souvent.