Article écrit par Joris Vanlerberghe pour Prévention Santé
« Prenons pour exemple la psychanalyse. La psychanalyse est une méthode d’investigation de l’esprit mise au point par Freud dans les années 1900 – 1940. L’absence d’outils permettant de visualiser le fonctionnement cérébral était alors un frein concernant les possibilités de compréhension du cerveau. Ceci n’a heureusement pas arrêté Freud, très désireux d’apprendre et de comprendre le fonctionnement psychique humain. Il propose alors des théories qui vont bouleverser la psychologie d’aujourd’hui, et notamment la psychologie clinique.
La psychanalyse, une psychothérapie
Adepte du divan, du retrait et du libre parler de l’inconscient, il fut l’un des premiers à mettre le patient en souffrance psychique au centre d’une nouvelle technique qu’il appellera alors la psychanalyse.
Moi, ça, surmoi, pulsion de mort, complexe d’œdipe, sexualité infantile, pulsions sexuelles… Tant de mots aujourd’hui acquis dans le vocabulaire des « psys ». Pourtant souvent décriée, la psychanalyse ne permettant pas d’être étudiée de façon scientifique, elle apparaît pour certain comme inutile, dangereuse, voir dogmatique. En réalité, nous savons aujourd’hui que la psychanalyse aide certaines personnes à aller mieux. Jusqu’aux années 2000, nous ne savions pas réellement comment la psychothérapie pouvait aider un patient à aller mieux.
C’est à l’aide d’une conférence d’un grand psychanalyste, neuropsychiatre, éthologue que je vais appuyer mon article : Le Dr. Boris Cyrulnik.
Le cerveau dans la douleur
Lorsqu’une personne se retrouve en situation d’isolement sensorielle (décès d’un proche, malheureux, dépressif, etc.) on peut voir que les fibres préfrontales ne sont plus stimulées. L’arborisation préfrontale s’arrête donnant l’impression qu’il y a une atrophie, qui, en fait, n’en est pas vraiment une. Effectivement, la réorganisation du milieu (sensoriel) permet aux fibres préfrontales de se redresser et donc cette « fausse-atrophie» disparaît.
Une des choses les plus importantes à comprendre ici, c’est que la forme du cerveau dépend de la structure du contexte. C’est là que la psychothérapie prend forme. En d’autres termes, le fonctionnement du cerveau dépend de l’environnement. Par exemple, une personne parfaitement saine perd son conjoint, alors les fibres préfrontales s’affaisseront.
Le cerveau et la psychothérapie
On va aller plus loin dans l’explication neuro-scientifique et comprendre les conséquences de fibres préfrontales « atrophiées ». Je vais parler un instant de l’amygdale. L’amygdale est le socle neurologique des émotions. Elle fait partie du système limbique qui est impliqué dans la reconnaissance et l’évaluation de la valence émotionnelle des stimuli sensoriels, dans l’apprentissage associatif et dans les réponses comportementales et végétatives associées en particulier dans la peur et l’anxiété.
C’est-à-dire que les fibres préfrontales saines vont venir inhiber en quelque sorte les informations sensibles. Non pas dans le sens de donner moins d’informations, mais plutôt amortir leur valence émotionnelle. Le problème serait plutôt pour une personne chez qui ces fibres préfrontales seraient en quelque sorte « atrophiées ».
En effet, vous l’aurez compris, elles ne pourront plus « amortir » le choc émotionnel et donc la moindre information devient pour l’amygdale une alerte intense. Ce qui veut dire que pour une personne ayant ce type de cerveau, le moindre événement est un trauma.
Alors que pour une personne ayant les fibres préfrontales saines, la même information sera par exemple une invitation au jeu, à l’exploration. Ce qui va détruire l’un, va être une information futile pour l’autre.
L’expérience de Mario de Beauregard :
Participant à l’expérience : 30 – 50 personnes / Formation de 3 groupes
1 – Dépression profonde avec psychothérapie, avec IRM 2 – Dépression profonde sans psychothérapie, avec IRM 3 – Parfaite santé, avec IRM.
Groupe 1 : Dépression profonde : IRM + psychothérapie et au bout de quelques mois : Contrôle avec IRM
Le travail de psychothérapie était le suivant : remémoration, imagination, représentation. Résultats : on voit qu’après 3 mois leur cerveau ne fonctionne plus de la même manière. Il y a la partie dorsale du lobe frontal s’est regonflé et consomme de l’énergie.
La partie antérieure de l’Aire Singulaire Antérieure se remet à fonctionner alors que lorsqu’il était déprimé la partie frontale était éteinte et c’était la partie postérieure de l’Aire Singulaire qui consommait de l’énergie. Ce qui veut dire que le cerveau a pris l’habitude de fonctionner différemment sous le simple effet de la psychothérapie.
C’est-à-dire que le milieu agit sur notre fonctionnement cérébrale, mais qu’à l’inverse, on peut agir sur le milieu pour qu’il agisse de manière différente sur notre fonctionnement cérébral ainsi, on ne voit plus le monde de la même manière.
Groupe 2 : Dépression profonde, mais refus de la psychothérapie, contrôle quelques mois plus tard
Le fonctionnement du cerveau n’a pas changé.
Groupe 3 : Parfaite santé : contrôle en même temps que les deux autres groupes, puis quelques mois plus tard, le fonctionnement du cerveau n’a pas changé.
Mario de Beauregard, auteur de cette expérience, a fait plusieurs cohortes, et quelle que soit la méthode psychothérapique les résultats sont les mêmes : qu’il s’agisse de la psychanalyse, de thérapie comportementale, etc. L’intérêt de la psychothérapie, c’est de faire l’effort de remémoration, de parole, d’anticipation, d’imagination.
Lorsque l’on raconte sa vie à un psychologue, on fait un effort d’imagination, d’anticipation, de traitement des images, de parole, de réflexion. C’est cet ensemble d’actions qui va venir structurer le cerveau, le modifier. »
Références :
Plus d’informations sur la neuroplasticité et la dépression : http://www.neuroplasticite.com/mecanismes-neuroplasticite/depression/
Plus d’informations sur la neuro-imagerie : http://www.soutien-psy-en-ligne.fr/blog/neurosciences-therapie/
La conférence de Boris Cyrulnik : Cerveau et psychothérapie