La joie des liens

Cette semaine, une belle âme que j’ai l’honneur de connaître m’a invitée à partager un thé, une réflexion-thé, devrais-je dire, car nous adorons « philopenscuter » ensemble. Parce que je sais notre authenticité à chacune et notre plaisir à penser les êtres et le monde, la complexité autant que les chemins de sagesse, et parce que je mesure aussi le cadeau des liens vivants, cette parenthèse improvisée a nourri en moi une gratitude immense.
Pour cet instant volé à l’agitation désordonnée du monde. Pour la chance de pouvoir fertiliser mes terres à l’univers sensible de l’autre et grandir de son intelligence. Pour la conscience d’avoir dans ma vie autant de richesses.

« Il n’y a pas de plus grande joie que de connaître quelqu’un qui voit le même monde que nous. C’est apprendre que l’on n’était pas fou », nous murmure Christian Bobin.

Crédit photo : Juan Pablo Serrano Arenas

Chaque matin ouvre un espace à remplir, une page à écrire. Chaque matin, nous sommes vierges de toute empreinte. Immaculé et silencieux comme le manteau de neige révélé à la nuit qui se retire. Feutré comme du coton.
Quelle grâce que cette offrande de vie qui fait battre le sang à nos tempes, qui fait vibrer nos cellules à la flamme réconfortante de nos affections…
Chaque matin, nous sommes propulsés au monde, extraits du grand sommeil immobile pour reprendre le voyage trépidant – et si court – de l’existence.

Que ferons-nous aujourd’hui de ce présent inestimable ?
Quelles actions serviront l’énergie de vie, l’énergie d’amour ?
Vois-tu, ami.e, la puissance de l’invitation ?

Cette année m’a éprouvée, j’ai cru mourir tant la douleur m’a semblé vive.
J’ai parcouru des contrées arides, sillonné des déserts sans horizon.
J’ai affronté la déception, le chagrin, la perte, le deuil, la solitude.
La colère m’a secouée, les larmes m’ont vidée. Bien sûr, ce n’était pas la première fois.
J’imagine que vous aussi, vous avez eu ce courage, chers frères et sœurs en humanité.
Cette année ou une autre. Car même si nos voyages diffèrent et si nos voiles pointent vers des vents contraires, nous sommes embarqués sur le même bateau.
La vie nous oblige amoureusement à lâcher nos mues, à nous dépouiller, à aller toujours plus loin au cœur de nous-même, au cœur de nos vérités. Elle nous veut authentiques et clairs.
« Cesse de te mentir. Regarde-toi dans mes yeux et tu sauras comme je t’aime », nous dit-elle.

Quand il n’y a plus rien, c’est l’amour qui nous relève, la vie.
Comme une purge, l’épreuve fait place nette en nous pour que la puissance du vivant vienne nous remplir, nous régénérer et nous remettre en marche.

Dans le tumulte, j’ai choisi, appris, j’ai renoué avec la force, goûté la douceur, trouvé des amitiés fidèles, savouré des moments d’apaisement, je me suis réchauffée d’un sourire, j’ai pris appui sur la beauté, câliné d’autres êtres meurtris.

Revenons là un instant et mesurons la chance qu’un jour de plus nous soit donné.

Ne soyons jamais avares de dire à l’autre la beauté qu’il nous inspire, ce qu’il touche en nous, la manière dont il contribue à rendre notre vie belle par sa présence, par son élan, par sa singularité. En te faisant exister, j’existe avec toi.
Penses-y, ami.e, il n’y aura peut-être pas un jour de plus.

Réjouissons-nous et remercions pour le bon, le doux, l’attention, la vie qui s’exprime et vient cajoler nos blessures, à travers toi qui m’invites, à travers nos sourires échangés, à travers nos confidences, à travers la main que je tends vers toi.
Comme il est doux et inspirant de découvrir les flamboyantes couleurs humaines, elles font toute la densité des instants éveillés, elles en sont l’émerveillement.

Crédit photo : Element5 Digital

Offrons notre présence.
Offrons nos mots pour adoucir et éclairer.
Offrons nos bras pour câliner, rassurer, réchauffer.
Offrons nos rires assumés au plomb qui pèse à nos semelles, c’est en eux que nous puisons la force de rester debout quand l’insensé chaos ébranle nos fondations.

C’est par les liens que nous sommes.
C’est par les liens, et aussi par leur absence, que nous mourons à nous-même.
C’est par les liens que nous précisons nos contours, que nous apparaissons à une version de notre être jusque-là inexistante ou inachevée. Inattendue.

L’autre nous fait autre et semblable dans le même mouvement. Danse de l’être-ensemble.
Danse du naître-ensemble. Danse de l’altérité-miroir.

Osons l’amour, osons dire l’amour et le faire !
Dansons la joie et la vie ! Le si grand bonheur d’être vivant et sans cesse renouvelé par l’expérience et par la présence de l’autre.

Pour les jours qui viennent et la saison qui s’annonce, ce retour à la lumière que promet le solstice, je chérirai comme un trésor mon beau mantra préféré : 
« Nous sommes en lien. Nous restons en lien. »

En ces troubles fêtes, brassés par l’époque incertaine, je nous souhaite de nourrir la force des liens et de prendre soin de l’enfant émerveillé que nous sommes à jamais.
Choisissons la lumière, que ce soit celle des bougies, celle du soleil d’hiver caressant ou celle qui brûle en nous. Elles ont la même source.
Et s’il ne nous reste plus rien, nous avons toujours le choix d’aimer.

À toi avec qui je tisse ici ou là ces liens que j’aime tant, merci d’être dans ma vie.