Rencontre

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« Car je est un autre »… – Arthur Rimbaud à Paul Demeny (Lettre du Voyant, 15 mai 1871)

L’autre, inconnu et étrange, attirant autant qu’il peut être terrifiant, cet autre que j’ai souvent bien du mal à comprendre, à rejoindre, cet autre, miroir de ce que je suis…

Et si l’apparent autre me permettait de définir mes contours, de poser mes limites, d’affirmer ma couleur, d’éprouver mon être singulier ? Et je te permettais à toi, apparent autre, de définir tes contours, de poser tes limites, d’affirmer ta couleur, d’éprouver ton être singulier ? Notre rencontre nourrit nos existences.

Sans toi que je découvre et qui m’interpelle par ta façon différente d’être au monde, sans toi qui viens questionner et bousculer la manière dont j’ai construit mon univers particulier, comment pourrais-je savoir qui je suis ? comment pourrais-je savoir comment j’existe ? Sans toi, je n’apparais vraiment ni à moi-même, ni aux autres.

Magie de la vie qui nous fait arpenter, toi et moi, ce chemin-là, à cet instant précis, lui aussi unique… Observation pantoise du mouvement de nos deux couleurs qui se cherchent… Et voilà que l’on se surprend à imaginer les ponts que l’on tissera peut-être, apprivoisant nos frontières respectives, jusqu’à unir nos bulles pour donner vie à une forme nouvelle, une pensée ou une couleur inattendue, toi et moi transformés par le choc de nous.

Parce que c’était toi, parce que c’était moi*… ce télescopage soudain vient nous saisir au cœur du confort de nos repères habituels, et si nous acceptons de nous laisser toucher, ce saisissement nous révèle des parts de nous-mêmes jusque-là insoupçonnées.

* « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi », célèbre formule de Montaigne évoquant son amitié avec La Boétie.