La honte

« La phénoménologie insiste sur le fait que ce que l’on appelle « phénomène » ne se limite que rarement à ce qui apparaît, à ce qui est vécu comme un donné. Il est la plupart du temps nécessaire de se livrer à un véritable travail d’explication, de dépli, afin de permettre au phénomène d’apparaître.

Ainsi en est-il de la honte : parfois consciente et éprouvée comme émotion, parfois confondue avec la culpabilité, parfois ressentie sous des formes atténuées comme la pudeur, l’embarras ou la timidité, souvent aussi non consciente, non identifiée, non formulée mais néanmoins essentielle, elle peut alors n’apparaître qu’au terme d’un travail de mise à jour dont la psychothérapie peut fournir l’occasion. Il importe donc de différencier la honte éprouvée, apparentée aux émotions, et la honte essentielle, ou existentielle, qui, comme l’angoisse existentielle, peut constituer un fond permanent, arrière-plan de nombre d’expériences conscientes.

La honte concerne la façon dont nous sommes et avons été accueillis, acceptés et reconnus par notre environnement significatif. Elle désigne un vécu d’indignité, de faiblesse, d’impuissance, d’inadéquation, de dépendance, de fragilité, d’incohérence sous le regard de l’autre : « Tel que je suis, je ne suis pas digne d’appartenir à la communauté des humains. » En cette formulation se trouve résumée la double dimension de l’expérience : une dimension identitaire et une dimension de lien et d’appartenance. La honte est déficit de reconnaissance et, par là même, rupture de lien. »

« Le changement social commence à deux – Études pour la psychothérapie », Jean-Marie Robine et « Psychopathologie en gestalt-thérapie », ouvrage collectif, sous la direction de Gianni Francesetti, Michela Gecele et Jan Roubal, deux ouvrages parus aux éditions l’exprimerie.